Parmi la quantité incroyable de nouveautés et de rééditions venant de la planète Gong, il se trouve qu'il existe un live dont l'intérêt à la fois historique et artistique est particulièrement captivant. On se souvient de la rupture par rapport à la période David Allen - Gilli Smyth à l'occasion de la sortie de l'album " Shamal " en 1976. A moins d'avoir assisté aux derniers concerts de Gong de l'année 1975, on découvre enfin avec " Live In Sherwood Forest '75 " ce qui fait office de révélation du chaînon manquant entre les délires planants et cosmiques de " You " et le jazz rock teinté de musiques orientales de " Shamal ". La set list du concert, enregistré à l'occasion de la dernière date de la tournée anglaise du mois de novembre, est impressionnante : Il s'agit de la synthèse de deux albums déjà sortis (" You " de Gong et " Fish Rising ", le premier solo de Steve Hillage) et d'un troisième (" Shamal ") dont les titres ne devaient être enregistrés en studio qu'un mois plus tard ! Le caractère hétérogène de la musique de cette période charnière dévoile un Gong dans une phase progressive au sens le plus absolu. Ne voulant pas renier le passé glorieux de la fameuse trilogie " Radio Gnome ", le leader " forcé " Steve Hillage et sa compagne Miquette Giraudy acceptent de poursuivre la route avec un Gong remanié (départ de Tim Blake, remplacé un temps par l'ex-Hatfield Dave Stewart puis par Patrice Lemoine, retour providentiel de Pierre Moerlen et de Mireille Bauer). Puisant à la fois sur le premier album solo de son leader, garant de la période dite " cosmique ", et sur des nouveaux morceaux jazz rock, Gong se trouve, comme on dit, le cul entre deux chaises. Et pourtant, ce live montre avec quel maestria les musiciens passent d'un style à l'autre. La clé qui fait de Gong un groupe majeur des musiques progressives est enfin révélée : C'est le sens de l'improvisation en toutes circonstances (les envolées d'Hillage et de Didier Malherbe, désormais le plus ancien membre du groupe) et aussi cette rythmique hallucinante (Pierre Moerlen et Mike Howlett). La qualité sonore est ici plus qu'honorable puisqu'à l'origine l'enregistrement devait faire l'objet d'une diffusion radiophonique. Enfin, dernier point historique : C'est le dernier concert de Steve Hillage avec Gong (hormis le fait d'avoir ensuite participer à la réunion de 1977). Pour finir, ce live est sorti en Mai 2005, ce même mois où l'on appris la disparition de Pierre Moerlen. C'est donc involontairement que ce live, en dehors du fait qu'il est indispensable pour les fans de Gong, permettra de rendre l'hommage mérité à cet immense musicien percussionniste.

(P.R)