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Cpt Beefheart

 

Captain Beefheart, c'est une voix. Une voix tellement puissante que deux micros entourés de scotch lui étaient nécessaires pour se faire entendre.  Nécessaires, mais de toute évidence pas suffisants ; cette paire de micros ne résistant que très rarement à l'assaut guttural du bonhomme et rendant l'âme dans un effet de larsen etouffé et poignant.

Né Don VAN VLIET, et d'origine hollandaise, les premières années de ce fou furieux vont aller de paire avec un autre énergumène issu du désert de Mojave, j'ai nommé Frank ZAPPA. Une amitié se lie entre les deux bonhommes, et leur destinée respective va les amener à suivre, ne fût-ce qu'au départ, le même chemin. Tous deux actifs dans des groupes locaux de rhythm & blues, l'un comme harmoniciste, l'autre comme batteur, ils migrent vers Cucamonga, en Californie où les deux hurluberlus projettent la création d'un film : Captain Beefheart Meets the Grunt People. Ce film ne verra pourtant jamais le jour, mais le nouveau pseudonyme de l'ami Don est trouvé. C'est là que leur chemin se sépare une première fois, ZAPPA partant
pour L.A. où il recrutera une bande de joyeux drilles avec qui il formera les Mothers of Invention.

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Désormais sous le nom de Captain BEEFHEART, il retourne vers sa terre natale pour former, comme son ami ZAPPA, son premier véritable groupe, sa première mouture du Magic Band. La musique sera blues, terriblement blues, de ce blues boueux et sale qui sent le vécu. Ils se font rapidement remarquer à tel point qu'un contrat est signé chez A&M ! Nous sommes en 1967 et Captain BEEFHEART & His Magic Band publient leur premier disque : Safe as Milk. Autour de lui, on retrouve, hormis un très jeune Ry COODER de passage, Antennae Jimmy SEMENS aux guitares et John "Drumbo" FRENCH à la batterie, inaugurant par là-même le bal des surnoms stupides qui vont coller à la peau de chacun de ses membres.

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Ils ne vont pas s'écarter de ce blues rugueux pour leur deuxième livraison, que BEEFHEART annonce déjà comme un double album qui s'intitulerait It Comes to You in a Plain Brown Wrapper. L'histoire retiendra que leur manager, Bob KRASNOW, en aura décidé autrement : Bien que publié sous un simili papier kraft reproduisant une enveloppe dûment oblitérée, comme l'avait souhaité BEEFHEART, le disque sortira en 1968 au format d'un
simple album, et portant le nom de Strictly Personal. Doublé, BEEFHEART jura qu'on ne l'y reprendrait plus. Il faudra attendre 1971 pour que
paraissent les bandes manquantes de ce projet, rebaptisées pour la forme Mirror Man, que l'édition remastérisée de Buddah Records en 1999 agremente de cinq titres de plus que les quatre d'origine, laissant clairement transparaître que le Magic Band peut, veut et finalement va aller bien plus loin que les limites imposées par le blues.

En attendant, ayant eu vent des problèmes que BEEFHEART rencontra avec ses maisons de disques, ZAPPA reprit contact avec lui pour le convaincre de signer sur son propre label, Straight Records. C'était l'occasion unique pour BEEFHEART d'acquérir cette liberté créative dont il a farouchement besoin, et c'est tout naturellement que le deal se conclut. Alors qu'il pousse les vocalises sur le célèbrissime Willy the Pimp figurant sur le second album solo de Frank ZAPPA, Hot Rats, c'est la même année, en 1969, qu'est cette fois publié un double album à la pochette aussi énigmatique que son contenu : j'ai nommé l'intriguant, l'immortel Trout Mask Replica, dont ZAPPA, encore une fois, assurera la production.

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Enregistrés en neuf heures, les 28 titres sont emballés autour de la formation "classique" du Magic Band : outre Antennae Jimmy SEMENS et John "Drumbo" FRENCH, on trouve désormais Zoot Horn Rollo, un autre guitariste, le bassiste Rockette MORTON et le clarinettiste The Maskara Snake,
avec qui il signe sur ce disque, armé de son saxophone, le duo de cuivre le plus malade depuis Ornette COLEMAN et Albert AYLER. Iconoclaste, inclassable, Trout Mask Replica est de ces perles rares, de ces pierres noires qui établissent des points de repères dans l'histoire. Inécoutable pour les uns, objets de snobisme pour les autres, cet album possède la qualité suprême de ne laisser personne indifférent. Près de trente ans après sa parution, on peut toujours sentir le coeur de ce disque battre comme s'il s'agissait d'un nouveau né.

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Après un différent qui l'oppose à Frank Zappa, c'est un an plus tard que BEEFHEART confirme avec le simple Lick My Decals Off, Baby, dont on attend la réédition en cd, et qui, produit par BEEFHEART lui-même, se présente comme un condensé de l'album précédent. Pas de poésie démembrée éructée a capella entre chaque titres, mais toujours ce capharnaüm, cette cacophonie orchestrée par une bande de déconstructivistes anarchistes et
déjantés.

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Ce sera donc avec étonnement que l'on retrouvera BEEFHEART dans une disposition bien plus"commerciale" avec deux albums signés chez Reprise : The Spotlight Kid et Clear Spot, tous deux parus la même année, en 1972. En réalité, BEEFHEART trouve ici le juste milieu où, après avoir jeté les bases de son art, il le vulgarise dans un moule qui se veut plus conventionnel mais qui recèle encore quelques splendides trésors. Si I'm Gonna Booglarize You Baby et When It Blows It Stacks vont devenir des indéfectibles classiques de son repertoire, sur Clear Spot, produit par Ted TEMPLEMAN (futur producteur de VAN HALEN !), on reste un peu sur sa faim malgré une fin, justement, d'anthologie, avec les monstreux Big Eyed Beans from Venus et surtout Golden Birdies, alors qu'en chemin BEEFHEART nous aurait presque arraché les larmes des yeux avec l'étonnante et
émouvante ballade My Head is My Only House Unless It Rains.

Malgré cette compromission et dû au manque de succès de l'entreprise, BEEFHEART se retrouve une nouvelle fois sans contrat. Pis ; son groupe le quitte pour fonder MALLARD. Perdu, il réalise avec un nouveau Magic Band de fortune (que les mauvaises langues vont appeler le Tragic Band) deux albums assez pitoyables, Unconditionally Guaranteed et Bluejeans & Moonbeams qui resteront comme les pièces les plus faibles du bonhomme et qui, en aucun cas, se montrent représentatives de son oeuvre.

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Dépité, il reçoit le coup de main de ZAPPA pour une reformation éclair intitulée Bongo Fury (1975). Mais alors qu'on le croyait définitivement perdu, BEEFHEART revient en 1978 avec un excellent album, Shiny Beast (Bat Chain Puller) où il renoue avec les meilleurs moments de The Spotlight Kid, épaulé par un nouveau Magic Band où l'on peut trouver Black Jewel Kitabu, qui n'est autre que Eric Drew FELDMAN, futur producteur des PIXIES et DEUS. Ce même FELDMAN que l'on retrouve au mellotron en 1980 pour Doc at The Radar Station, sans aucun doute le meilleur BEEFHEART depuis Lick My Decalls Off, Baby, où il partage l'affiche avec le retour d'Antennae Jimmy SEMENS et John "Drumbo" FRENCH, mais aussi Gary LUCAS, futur collaborateur de Jeff BUCKLEY. Publié en 2000, Merseytrout : Live in Liverpool 1980 est un excellent témoignage en concert de ce retour en grâce. Ice Cream for Crow, en 1982 , bon mais pas décisif, marque le point final de la carrière discographique d'un bonhomme qu'aucun cadre ne sera assez grand pour contenir, isolé quelque part dans le désert de Mojave, seul avec son second amour ; la peinture.

 

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En 1999, un copieux box de 5 cds du nom de Grow Fins sur Revenant réunit une quantité invraissemblable de chute studios de la première période, l'intégralité de Trout Mask Replica dans sa version instrumentale, de grandes prestations radiophoniques et en publics de 1966 à 1982, des
séquences vidéos inédites, un copieux livret de plus de cent pages...mais rien, pas un mot, pas une note, sur Lick My Decals Off, Baby.
Une question de droits sans doute.

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(D.S)

Quelques liens sur le sujet: 

http://www.shiningsilence.com/hpr/